Les végétaux, contrairement à la plupart des organismes vivants, demeurent immobiles dans leur environnement. Cela rend parfois leur alimentation délicate notamment lorsque les ressources nutritives présentes naturellement dans le sol s’amenuisent. Cela peut conduire à l’apparition de divers symptômes pouvant faire penser à un développement de maladies, mais qui découlent de stress abiotiques responsables de ces troubles de la nutrition végétale.
Les troubles nutritionnels chez les végétaux peuvent être induits par la présence insuffisante de minéraux au niveau du sol. On parle alors de carences.
Au contraire, l’excès de certains éléments nutritifs peut entrainer des toxicités aigües chez les plantes. Ce phénomène est souvent rencontré en bord de mer avec des sols sableux ou bien lorsqu’il y a eu une mauvaise gestion de la fertilisation (principalement liée à l’utilisation d’engrais chimiques) ou bien de l’irrigation.
Ces problèmes de la nutrition peuvent également être induits de manière plus sournoise :
Il est possible qu’un élément nutritif soit présent en quantité suffisante dans le sol mais que ce dernier ne puisse pas être assimilé correctement par la plante. Cela est généralement dû à un blocage de cet élément dans le sol par sa fixation sur la matière organique ou les argiles ou bien à cause d’une modification du pH.
Enfin, il existe également des antagonismes entre les différentes molécules chimiques où l’excès d’un élément peut bloquer l’absorption d’un autre par la plante. C’est notamment le cas pour le potassium et le magnésium ; le calcium, le potassium et le bore ; ou encore le zinc et le phosphore.
Les carences nutritionnelles sont souvent rencontrées chez des plantes en pots ou bien sur les jeunes plantules, du fait d’une réserve nutritive trop faible ou d’un système racinaire peu ou mal développé. Ces troubles de l’alimentation peuvent néanmoins survenir chez des végétaux plus âgés ou bien encore chez des plantes pérennes. La vitesse d’apparition des symptômes y sera toutefois beaucoup plus lente.
Une difficulté majeure apparait lorsque l’on s’intéresse à l’identification de ces troubles de l’alimentation végétale. En effet, l’expression physiologique des carences nutritives chez la plante peut prendre des aspects variés et les symptômes se ressemblent beaucoup. En parallèle, il y a souvent des carences multiples et leur interaction en complexifie l’identification. En plus de ce cela, les symptômes peuvent varier d’une espèce à l’autre et même au sein d’une même plante, selon ses différents stades de développement. Enfin, certaines attaques de ravageurs ou de parasites peuvent donner des symptômes similaires à ceux des troubles nutritionnels. Il n’est donc pas aisé d'identifier clairement un trouble nutritif chez les végétaux.
L’expression d’un trouble alimentaire chez la plante peut prendre différentes formes :
- Tout d’abord une mauvaise production de chlorophylle découlant sur une décoloration des tissus atteints. C 'est la chlorose. Généralement les feuilles arborent un vert plus clair avant de jaunir ou de blanchir et peuvent au contraire revêtir une teinte rougeâtre ou cuivrée grâce à la surexpression des autres pigments (carotènes, xanthophylles et anthocyanes) qui ne se font plus masqués par la chlorophylle. Suivant les degrés d’expression, les nervures demeurent vertes tandis que le reste des feuilles est chlorosé.
- La deuxième possibilité est un développement anormal de certains organes. Ainsi certaines carences inhibent la floraison tandis que d’autres engendrent un rabougrissement général de la plante.
- Enfin, dans les cas les plus sévères, des taches nécrotiques peuvent apparaitre. Si cela persiste trop dans le temps cela peut induire la mort de la plante.
Par la suite on distinguera les carences en fonction de la mobilité des éléments dans les tissus végétaux.
Certains éléments sont très mobiles dans les tissus végétaux et sont principalement rencontrés dans les tissus en croissance. C’est notamment le cas pour l’azote (N), le phosphore (P), le potassium (K) et le magnésium (Mg). Ainsi, lorsque l’un de ces éléments vient à manquer, les premiers symptômes sont observés sur les tissus les plus âgés.
Les troubles liés à la nutrition azotée sont très fréquents. Cela tient notamment au fait que l’azote soit très soluble dans l’eau. Cet élément est donc très facilement lessivable, c’est à dire qu’il peut être emmener dans les nappes phréatiques et induire une pollution aux nitrates.
Les carences en azote sont très souvent observées en fin d’hiver par temps froids et humide au moment où les rayons du soleil réchauffent le sol et relancent l’activité microbienne. Ces organismes consomment beaucoup d’azote pour dégrader la matière organique. La plante se retrouve alors momentanément carencée et jaunit, c’est ce que l’on appelle la faim d’azote. Ce phénomène est également observé lorsqu’on apporte beaucoup de matière organique sèche (paille, broyats de bois…).
L’azote est l’un des principaux éléments responsables de la croissance des parties végétatives de la plante. Une carence en cet élément se caractérise par un jaunissement et une diminution du nombre et de la taille des feuilles.
Au contraire en excès, l’azote induit un développement excessif du feuillage au détriment des fleurs et des racines. Les plantes en excès d’azote sont également très appétentes pour les insectes ravageurs et plus sensibles aux microorganismes pathogènes responsables des maladies chez les végétaux.
Le potassium est l’un des trois éléments les plus importants pour la plante avec l’azote et le phosphore. Il intervient dans un grand nombre de réactions enzymatiques et contribue au bon métabolisme du végétal. Il a également un rôle prépondérant dans la résistance au froid, à la sécheresse ainsi qu’aux attaques microbiennes.
Les carences en cet élément sont observées au printemps où la demande en potassium chez les végétaux est importante ainsi qu’en été notamment dans les sols très argileux. En effet la potasse a tendance à se fixer sur les particules d’argiles, les éléments les plus fins du sol. Il existe également des interactions négatives avec le magnésium lorsque celui est abondant. Ce manque de potassium se traduit alors par un port mou de la plante de manière générale ainsi que par l’apparition de taches nécrotiques sur les feuilles les plus âgées pouvant aller jusqu’à une nécrose jaunâtre puis brunâtre des bordures.
Probablement l’un des éléments les plus importants pour le développement des végétaux, le phosphore est responsable de la production d’énergie au niveau cellulaire et constitue l’un des principaux composant de l’ADN. Il a une action prépondérante sur le développement des racines et dans l’induction de la fructification.
Principalement observée chez les jeunes plantules, où elle induit un ralentissement de la croissance et une coloration vert foncé ou violette de la face inférieures des feuilles les plus âgées, la carence en phosphore se caractérise aussi par une réduction significative de la floraison et de la fructification, chez des sujets plus développés.
Bien qu’il soit très présent dans le sol, le phosphore est souvent inaccessible aux végétaux notamment dans les sols très calcaires (interaction avec le Calcium) ou très acides (interactions avec le Fer ou l’Aluminium), mais également dans les terres trop froides ou gorgées en eau.
Le magnésium a un rôle majeur dans la photosynthèse. On le retrouve en abondance dans les pigments chlorophylliens. Cet élément est essentiel à la croissance végétative et il optimise la floraison des plantes et les rendements. Une carence en magnésium se traduit par une chlorose entre les nervures des feuilles les plus âgées, accompagnée par l’apparition de taches cuivrées. Elles sont généralement induites par un excès de Potassium. On les rencontre fréquemment sur certaines plantes pérennes comme les pommiers ou la vigne, sur cultures ornementales à l’instar des rosiers et enfin sur de nombreuses espèces de légumes comme les oignons, les pommes de terre et les cucurbitacées.
Le calcium, le soufre et le fer sont trois éléments prépondérants à la croissance des plantes. Ceux-ci sont très peux mobiles et lorsque les carences surviennent, elles sont généralement localisés sur les jeunes tissus.
Le calcium joue un rôle très important dans la rigidification des parois des cellules végétales et dispose d’un rôle prépondérant pour la santé des plantes en luttant notamment contre le développement de certaines bactérioses. Agissant en synergie avec l’azote, il favorise le développement racinaire et l’obtention de bons rendements. De même il contribue à la bonne structure du sol en régulant le pH et en favorisant la cohésion des particules d’humus.
Tous les sols, même ceux acides, disposent de suffisamment de ressources en calcium. Les carences en cet élément sont donc généralement induites par un excès d’au moins une substance antagoniste comme le magnésium, le bore ou le potassium.
Cela se caractérise par des déformations des jeunes feuilles et des nécroses de toutes les parties en croissance.
Cela est souvent visible sur les tomates avec la fameuse nécrose apicale plus connue sous le nom de « cul noir de la tomate ».
Le soufre est un élément très abondant dans le milieu vivant. Chez les plantes il joue un rôle important dans la photosynthèse, l’assimilation de l’azote et d’autres réactions du métabolisme végétal. Certaines plantes à l’instar des brassicacées (plus connues sous leur ancien nom de crucifères regroupant les radis, les choux, les navets, la roquette, la moutarde …) sont très riches en cet élément, constituant majeur des glucosinolates, des molécules de défenses contre les herbivores responsable du goût piquant de ces végétaux. C’est d’ailleurs chez ces plantes que les carences en soufre sont principalement rencontrées, essentiellement en milieu acide. Cela se traduit par un jaunissement généralisé des parties aériennes accompagné d’une inhibition de la croissance de la plante.
Chez les plantes, le fer intervient dans de nombreuses réactions métaboliques, dans la photosynthèse et dans la production de phytohormones. Bien que cet élément se retrouve en abondance dans le sol, ce dernier est très sensible à l’oxydation, ce qui le rend inassimilable pour les racines.
Le pH joue également un rôle très important, un sol trop acide ou anoxique le rend toxique pour les plantes tandis qu’un sol trop calcaire induit des carences en fer. Celles-ci se traduisent par l’apparition d'une chlorose entre les nervures des jeunes feuilles.
Certaines plantes y sont plus sensibles que d’autres, de surcroit dans les sols calcaires. On peut citer l’exemple de nombreux arbres fruitiers à l’instar des pêchers, des cognassiers, des pruniers, des poiriers, de certains agrumes ainsi que pour des végétaux d’ornement, comme les rosiers ou les plantes de terre de bruyère, des légumes comme les haricots, pois ou épinards.
Afin de lever les carences nutritionnelles chez les plantes, il convient de jouer sur cinq principaux leviers.
Le premier d'entre eux est d'adopter une fertilisation adaptée et équilibrée à base d'engrais et d'amendements organiques. Il existe des préparations à base de phosphates, de magnésie ou de dolomies. Ces solutions sont très concentrées en un élément et peuvent induire d’autres carences par la suite. Il apparait donc plus intéressant d’utiliser des amendements organiques généralistes comme du compost, du fumier maturé ou du lombricompost afin d’apporter un certain équilibre nutritif aux plantes. De même, le basalte volcanique, en se décomposant lentement dans le sol, va diffuser de nombreux éléments nutritifs, sans générer de déséquilibre.
Pour certains besoins spécifiques comme pour les carences en calcium par exemple, on peut utiliser un élément neutralisant l’acidité des sols, traditionnellement de la chaux, mais cette dernière est très agressive et peut provoquer des brulures chez les végétaux. Cela peut également bloquer certains mécanismes biologiques dans le sol et donc induire des déséquilibres. Préférez dès lors utiliser des solutions plus neutres à base de lithothamne ou de poudre de coquille d’huitres.
Enfin il est également possible d'apporter des engrais par voie foliaire. On peut par exemple citer l'anti-brunissement des conifères qui permet de lutter contre les carences en soufre, magnésium, fer et manganèse; ou bien encore le Derzhé ou le purin d'orties.
Le deuxième levier est de jouer sur le pH du sol. Comme évoqué précédemment, certains éléments sont plus ou moins disponibles pour les plantes en milieu alcalin ou acide. De ce fait il apparait important de connaitre la nature de son sol. Pour cela on utilise généralement un kit de test du pH du sol.
Un pH de 7 indique un sol neutre, au delà de cette valeur ce dernier sera qualifié d'alcalin ou de basique, en dessous de 7 la terre sera acide. En milieux acide il faudra épandre de la poudre de coquilles d'huitres, de la lithothamne ou de la chaux (attention aux brulures !).
En milieu alcalin, il faudra apporter de manière régulière de la matière organique fraiche en décomposition afin d'induire une acidification progressive. Vous pouvez également utiliser de la terre de bruyère pour certaines plantes acidophiles (contentez vous de l'utiliser pour des plantes en pot) ou bien des solutions acidifiantes à base de soufre par exemple.
Le troisième levier consiste à améliorer la structure du sol et sa qualité. Ainsi, dans les sols sableux, n'hésitez pas à réaliser des opérations de marnage, c'est à dire des apports d'argiles. Pour tous les sols, il est recommander d'augmenter leur teneur en matière organique en semant des engrais verts, en paillant vos cultures ou en appliquant différents amendements organiques comme du lombricompost, du fumier … Enfin, vous pouvez également incorporer du biochar pour favoriser la structuration du sol.
Le quatrième levier est de s'aider de microorganismes bénéfiques qui aident les plantes à mieux assimiler les éléments nutritifs. Ils agissent généralement en réorganisant la forme des éléments qui deviendront ainsi assimilables pour les végétaux. Ils peuvent également démultiplier la capacité de prospection de la plante via la création d'un mycélium hyperdéveloppé. Ces microorganismes peuvent être des champignons (avec les très utiles mycorhizes), des bactéries (comme les Rhizobium responsables de l'assimilation de l'azote présent dans l'air chez les légumineuses, les Azopirullum et autre Methylobacterium qui jouent un rôle similaire chez bien d'autres cultures) ou enfin certaines levures. Pour activer ce levier vous pouvez appliquer l'amendement Bactomycor, composé à la fois de mycorhizes (Glomus intraradices) et de bactéries bénéfiques (Azopirullulum sp).
Enfin, l'ultime levier, bien que mineur, est le choix variétal. En effet, certaines variétés d'arbres fruitiers ou de vignes peuvent présenter des sensibilités fortes à différents troubles nutritifs. On pourra alors réduire l'intensité de ce problème en s'appuyant sur un porte greffe moins sensibles aux carences.
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